Voici pour commencer, le sujet des chapitres n°9 et 10.
CHAPITRE 9
Après trois heures entières passées aux côtés de son père dans une chambre d’hôpital qui aurait bien besoin d’une rénovation, Kendrix n’était pas rassurée.
Son père était extrêmement fatigué, pour ne pas dire amorphe. Il avait perdu beaucoup de poids, la teinte de sa peau virait au marron sur la jambe souffrante, et elle avait cru entendre le mot « amputation » de la bouche d’un médecin reconnu.
Mais la nouvelle la plus difficile à encaisser venait de son père lui-même, entre deux micro-sommeils. A bout de force, il avait annoncé les informations de l’entourage médical : il ne pourrait pas être complètement soigné des dommages crâniens. Bientôt, pourraient être engagés des soins palliatifs, afin de le maintenir le plus décemment possible en vie, malgré l’absence de soins efficaces.
La pluie fit son apparition. Au volant de la Plymouth Breeze, autrefois voiture du paternel qui prenait la poussière dans le garage, Kendrix suivit strictement l’itinéraire vers l’adresse de destination : 14 Durandal.
Il s’agissait d’une petite maison coincée entre deux autres, un peu plus grande. Elle stationna son véhicule sur le côté, descendit et vérifia la boîte aux lettres.
- Oliver, Hillard. C’est bien ici.
Sans vraiment savor ce qu’elle dirait, et si elle allait s’énerver, pleurer ou exploser, elle frappa, sonna mais personne n’ouvrit. Alors elle alla patienter dans son véhicule.
Une demi-heure plus tard, une Jeep rouge stationna devant elle. Un homme, visiblement plus vieux de trois ans voire plus, les cheveux mi-longs, en sortit et entra dans la maison.
- C’est lui !
Kendrix sortit sans discrétion de la Plymouth et accourut :
- Tommy Oliver ! Tommy Oliver ! Attendez, s’il vous plaît !
Surpris, le jeune homme s’arrêta. Il se retourna pour répondre :
- Bonjour, je peux vous aider ? demanda-t-il, réservé.
Kendrix s’arrêta et contempla le visage du garçon : il avait l’air si gentil.
- Vous êtes bien Tommy, le Power Ranger vert ? questionna-t-elle en baissant le volume au fil des mots.
Tommy prit une mine interloquée et répondit :
- Vous devez vous tromper, je suis simplement un étudiant un peu vieux qui aspire à devenir professeur. Je pratique le karaté mais je ne suis pas un Power Ranger.
Kendrix le savait : l’ordinateur central de l’Astro Megaship ne commettait pas d’erreur.
- Je sais que c’est vous, ne vous inquiétez-pas, vous pouvez me le dire, rassura-t-elle en exhibant son morpher.
Bien qu’il n’ait jamais vu ce type de matériel, Tommy devina et sourit :
- Bon, ne reste pas dehors, tu vas être trempée. Entre.
L’intérieur de la maison était sombre. Kendrix remarqua immédiatement une immense armoire à trophées, garnie de coupes et de médaille, dans des disciplines d’arts martiaux et de natation.
- Je suis enchanté de faire la connaissance d’une Power Ranger, déclara Tommy. Tu es l’une des Rangers actuelles ?
- Je suis la Power Ranger rose galactique. Je m’appelle Kendrix.
- La Ranger rose galactique, d’accord. Notre héritage est entre de bonnes mains. Je t’offre quelque chose à boire ?
Kendrix aurait bien pris un verre d’eau mais elle devait parler, maintenant.
- Tommy, je suis désolée mais je ne suis pas venu juste pour papoter des Power Rangers. Je voudrais te dire, que… que tu as gâché ma vie !
Le garçon, qui s’apprêtait à s’asseoir dans son sofa blanc, se redressa.
- Je ne comprends pas Kendrix… nous ne nous connaissons même pas et…
- S’il te plaît, laisse-moi parler ! Mon père était docker sur le port d’Angel Grove. Un homme formidable et en pleine santé. Et un jour, tu as attaqué la ville ! Ton robot, le Dragonzord, a causé d’innombrables dégâts dans le port, le lieu de travail de mon père. Il a été sérieusement blessé par cette attaque, par les agissements de ton zord, de fait par tes agissements !
Ca y est. Kendrix sentit le poids de plusieurs années de souffrance, d’inquiétude, de paranoïa remonter en quelques secondes. Elle aurait aimé tempérer ses propos, mais les vannes étaient ouvertes et le courroux ne demandait qu’à s’extirper de son cœur. Les larmes coulèrent à flot derrière les lunettes embuées.
- A cause de toi, mon père vit depuis avec un handicap, avec une mobilité si réduite qu’il a passé les trois quarts de son temps en fauteuil roulant. Il a dû faire une croix sur ses passions, sur sa joie de vivre et sur tout un tas de trucs, dont son métier qu’il adorait !
Calme, attentif, Tommy sembla très affecté par les propos incessants mais emplis de désarroi de son interlocutrice.
- Kendrix, je ne sais pas quoi te dire… je suis complètement déboussolé d’entendre cela, désolé pour le mal que j’ai causé à cet instant précis. Je…
- Je quoi ? Quelle excuse vas-tu avancer pour justifier cet acte ?
- J’étais sous l’emprise d’un sort maléfique. Celui d’une sorcière qui voulait son propre Ranger pour anéantir ceux qui défendaient la Terre.
Je n’ai pas pu lutter contre son envoûtement, je te le jure. J’ai conscience du mal que j’ai fait, Kendrix. Durant bien des années, pas une journée ne se passait sans que je ne regrette. J’ai conscience du mal que j’ai causé contre mon gré. Je ne demande pas qu’on me pardonne et…
Mais Kendrix n’écoutait plus vraiment les paroles de Tommy. Perdue dans ses pensées et ses regrets, elle se préparait à une nouvelle salve de reproches. Cependant, en tendant l’oreille, un détail l’interpella.
- … et que ce soit à bord du Dragonzord, du Tigrezord ou du Fauconzord, j’ai toujours fait au mieux pour préserver les citoyens malgré les combats que nous livrions et les dangers que nous affrontions.
Kendrix faillit tomber à la renverse.
- Tu as parlé du Tigrezord ?
- Oui, le Tigrezord a remplacé le Dragonzord lorsque j’ai perdu mes pouvoirs de Ranger vert.
- Tu es en train de me dire que… le Ranger blanc, c’est toi, Tommy ?
Tommy acquiesça d’un mouvement de tête vertical. Il rallia un bureau où trônait un micro-ordinateur et une pile instable de documents. Il ouvrit un tiroir à l’aide d’une clé et il en sortit un objet esquinté. Il le tendit à Kendrix : elle découvrit ainsi…
- Le transmutateur du Power Ranger blanc.
Le passage d’une couleur à une autre avait une signification pour Tommy :
- Le médaillon du Tigrezord était un symbole de renouveau. Ses pouvoirs n’ont jamais servi les êtres maléfiques. Ainsi, je repartais sur de bonnes bases, avec une énergie saine, au service exclusif du bien.
Tommy expliquait quelques-unes de ses missions en tant que sixième Ranger et désormais leader. Kendrix comprit qu’elle avait affaire à l’homme qui avait rendu son père dépendant de la médecine et de la rééducation, mais aussi à l’homme qui l’avait sauvé d’une mort certaine lors de l’attaque d’ampleur près de leur immeuble d’habitation.
Elle sentit ses jambes chanceler : elle anticipa la crise d’angoisse, et avant qu’elle ne demande à Tommy une chaise, ce dernier avait bien réagi en l’assistant, empêchant sa chute vers le parquet vieillissant.
- Kendrix ! Ca va ?
- Oui, j’ai juste eu un moment d’égarement.
- Un moment d’égarement de près d’une minute.
- Une minute ?
- Tu t’es évanouie.
Soutenue par les bras de Tommy, Kendrix rougit, confuse.
- Je me sens honteuse d’être dans cette posture...
Tommy émit un petit rictus :
- Tu sais, tu n’es pas la première Ranger rose que je soutiens avec mes bras.
Le Ranger vétéran l’accompagna vers le canapé et lui servit un verre de jus d’orange.
- Tu te sens mieux ? questionna-t-il.
Troublée, elle répondit sans conviction :
- Je n’ai plus cette sensation de vertige, mais moralement, je suis déboussolée.
- Je sais, et je suis vraiment navré pour ton père. Je m’en veux terriblement.
L’esprit de Kendrix restait bloqué sur la révélation : Tommy Oliver le Ranger Blanc.
- En fait, Tommy, il faut que je te raconte la suite de mon histoire, et de celle de mon père, en 1995 à Angel Grove.
Elle expliqua l’impact de la bataille avec les monstres géants, ces horribles aliens qui avaient détruit la façade de l’immeuble, les ruines tombant sur son chien qui ne survivrait pas.
- Dans ce marasme, j’ai perdu énormément. Tout d’abord, Speedy, mon chien adoré. Ensuite, je me suis retrouvé sous le choc, complètement perdue, traumatisée. Malgré tout, mon père a été héroïquement sauvé. Et c’est toi, le Power Ranger blanc, qui l’a sauvé avec ton zord. Qui nous a sauvé. Tout cela s’est joué à la seconde près.
Tommy se souvint.
- Je me rappelle bien de cette funeste journée. Oui. Ce monsieur, et le fauteuil, au milieu de la route. Et c’était toi, la fille qui l’accompagnait. Rito et ses acolytes ont fait un carnage. Nous avons tout tenté pour les éliminer mais ils ont été plus forts.
- Vos Megazords anéantis par ces sauvages... cette vision nous a choqué.
- Nous perdions une partie de nous. Nos pouvoirs avaient disparu, nos zords aussi.
Tommy fut interrompu par le bruit de la porte d’entrée qui s’ouvrit puis se referma. Une femme à la chevelure blonde, en tenue de sport avec un sac à dos, apparut.
- Je viens de me prendre une impressionnante saucée.
Tommy se leva et fit les présentations.
Kendrix, je te présente Katherine, ma compagne. Kat, voici Kendrix. Elle est... comment dire... ta descendante rose.
Katherine Hillard posa son sac et tendit la main vers Kendrix qui s’était relevé, intimidée mais respectueuse.
- Je suis ravie de faire la connaissance de la Power Ranger rose actuelle, déclara Katherine.
En quelques mots, d’un ton rassurant, Tommy expliqua la venue de Kendrix. Ils lui proposèrent de rester manger mais Kendrix déclina l’offre : elle devrait respecter l’horaire de retour vers Terraventure, ses compagnons d’arme et amis s’étant octroyés un peu de repos sur site.
Elle prit congé, et s’excusa à demi-mot de son courroux, mais Tommy se confondit aussi en pardon.
***
Kendrix avait restitué la Plymouth à sa mère. Elles échangèrent un dernier moment complice. La Ranger ne repartit pas les mains vides : sa mère lui remit une enveloppe. Elle l’ouvrit : la photo de Speedy l’accompagnerait dans les étoiles.
L’heure vint de partir. Kendrix s’éclipsa non sans aurevoir poignant, mais pas d’adieu.
Elle se dirigea vers la NASADA, où était parqué sous haute surveillance l’Astro Megaship.
Kendrix ne savait pas trop pourquoi, mais, parmi le fouillis de sentiments diverses et contradictoires occupant son esprit elle se sentait soulagée. Soulagée d’avoir parlé à Tommy Oliver, et de retenir davantage sa bravoure en tant que Ranger blanc.
Pour autant, son père n’était pas tiré d’affaire.
Elle reviendrait le voir, dès que possible. Car elle n’osait l’imaginer, le reconnaître, mais une course contre-la-montre s’engageait. Les chronos étaient déclenchés.
***
Au 14 Durandal, Katherine réussit enfin à faire parler Tommy, les traits tendus. Au demeurant troublé, emprunt d’un sentiment qu’elle ne cernait pas, il était resté impassible, le teint pâle.
- Il faut que tu me dises, Tommy. Qu’est-ce qui ne va pas ?
Il osa enfin répondre :
- Kendrix m’a raconté son passé. J’ai causé du mal à son père, lorsque j’étais sous les ordres de Rita. Un mal profond, irréversible, qui ne se soigne pas.
Il expliqua les détails, le plus précisément possible, balbutiant parfois pour employer les bons mots, afin de rester fidèle aux maux exprimés par Kendrix.
- Tommy... fit Katherine. C’est terrible, oui. Je sais ce que c’est, d’être manipulé comme un pantin sans pitié par Rita. Ce n’est pas de ta faute.
- Je suis tout de même responsable ! Kat, cet homme innocent est certainement voué à mourir dans un avenir, et je suis le coupable ! Kendrix m’a dit qu’il n’y avait aucun moyen de le guérir ici... c’est tragique, je...
Tommy marqua une pause. Il sembla en pleine réflexion. Katherine comprit :
- Je pense savoir à quoi tu penses. Ou plutôt, à qui.
Tommy accourut vers le tiroir d’où il avait saisi le transmutateur. Il prit cette fois-ci, un bracelet argenté, qui ne soutenait pas une montre mais un communicateur. Il ne prit pas la peine de l’accrocher à son poignet.
Il tapota précisément trois fois sur le bouton d’appel, puis il parla, procédant à l’appel à un ami.
CHAPITRE 10
L’escale sur Terre remontait à un trimestre. Kendrix prenait des nouvelles de son père tous les deux à trois cycles, suivant les disponibilités de la salle de communication, excessivement sollicitée.
Elle était retournée deux fois sur Terre. A chaque retour, le dépit se voulait plus grand : monsieur Morgan, maintenu alité, ne disposait guère mieux de ses facultés à bouger les bras, ni même à s’exprimer clairement.
Elle ne croyait plus aux miracles. Alors Kendrix remerciait les cieux de lui avoir permis de décrocher ce sabre Quasar, véritable porte d’entrée à un échappatoire à hauts risques, mais bienvenu. Son nouveau quotidien de Power Ranger avait bousculé mille éléments de son existence, mais elle en tirait beaucoup de positif. Désormais aguerri dans les premiers principes des arts martiaux, elle ne redoutait plus la peur, le danger. Ses traumatismes du passé s’étaient évaporés comme neige au soleil.
Elle devrait retourner voir ses parents. Elle redoutait que sa prochaine venue soit la dernière fois.
Un matin, elle décida de se confier. Elle invita Kai à se balader dans les rues de Terraventure, sous un soleil aussi plaisant qu’artificiel. C’est la première fois qu’elle se livrait sans réserve. La première fois qu’elle avait des amis, la première fois qu’elle avait cet ami. Kai.
- Je ne savais pas tout cela, Kendrix. Je suis vraiment triste pour toi.
Affecté par le vécu mouvementé de sa complice, Kai proposa son soutien, son aide et son attention. A sa troisième pige à Angel Grove, il accompagna Kendrix auprès de son père puis de sa mère au domicile familial – les soins engagés pour limiter la souffrance s’effectuant désormais à domicile. Kai tenta de la rassurer, de jouer au maximum son rôle d’ami, de confident.
La mission s’avéra bien plus ardue que certaines confrontations avec les forces obscures de Trakeena : le mensonge fut difficile à dire :
- Kendrix, ton père va s’en sortir. Il faut avoir confiance.
La vérité fut aux antipodes : le terme familier et rabaissant « grabataire » sembla minimaliste pour décrire Jonathan Morgan.
- Tu sais Kai, parfois je regrette d’être partie de la Terre. J’ai en quelque sorte, abandonné ma famille.
***
A l’instar des autres Rangers et de Mike, et après une longue douche réparatrice, Kendrix aspirait à s’octroyer un peu de repos. L’horrible combattant Caméléon qui analysait les capacités, les forces et les faiblesses de chacun d’entre eux avait donné du fil à retordre.
Elle se dirigea vers son espace de repos lorsqu’elle reçut une communication provenant de l’Astro Megaship.
- Kendrix, c’est Alpha qui te parle.
- Oui, Alpha, je te… reçois, bailla Kendrix, gênée.
- Il faut que tu viennes au vaisseau maintenant.
- Alpha, on rentre tout juste de mission, je veux rejoindre les bras de Morphée, pas le Megaship, pitié…
- J’insiste. C’est très urgent…
- Bonne nuit Alpha…
- Tommy Oliver souhaite s’entretenir avec toi.
A peine assise sur son matelas, Kendrix bondit, enfila sa veste grise siglée GSA par-dessus son débardeur et accourut vers le hangar du vaisseau malgré l’état d’éreintement avancé.
Une fois à bord de l’appareil spatial, Kendrix suivit Alpha 6 qui l’attendait de pied ferme. Elle se positionna devant le grand écran de diffusion et elle reconnut le salon de sa maison.
Alpha quitta la pièce. Dans l’écran, deux hommes apparurent : le premier, Tommy, prit la parole.
- Bonjour Kendrix.
- Bonjour Tommy, je suis surprise de cette entrevue.
La situation rendit la Ranger rose nerveuse : que faisaient-ils chez elle ? Est-ce que la prochaine révélation serait terrible, une conclusion dramatique ?
- Nous sommes désolés de te déranger Kendrix. Tu reconnais la maison. Je suis en compagnie d’un ami, un ancien Power Ranger.
Les yeux de Kendrix se dirigèrent vers les pixels traçant le visage d’un homme du même âge que Tommy mais aux traits tirés, et vêtu d’un polo rayé blanc et bleu.
- Bonjour, prononça ce dernier. Je m’appelle Billy. Je suis l’ancien Power Ranger bleu.
- Enchanté également, marmonna Kendrix, sentant ses mains devenir moites.
- Nous ne sommes pas seuls, puisque tes parents sont aussi présents, déclara Tommy.
- Evidemment, nous avons franchi la ligne en leur révélant ta véritable identité, ajouta Billy.
Billy s’approcha de l’écran, de fait de la caméra : il la tourna sur sa gauche et les parents de Kendrix apparurent dans le champ.
Pour Kendrix, le choc fut terrible : son père, avachi dans un imposant lit médical relié à un appareil électrique, parut à peine conscient et surtout, très amaigri, la peau ne masquant plus le contour des os.
- Papa... sanglota Kendrix, craignant que l’image de son père encore vivant, soit la dernière.
- Bonjour ma fille chérie, salua madame Morgan, un léger sourire aux lèvres, qui transcendait avec la gravité de la retransmission.
- Je ne comprends pas... balbutia Kendrix, perdue, surprise par ce qui ressemblait à une macabre mise en scène.
Billy se plaça au centre de l’objectif et reprit la parole.
- Kendrix, je pense savoir comment soigner ton père. Et si nous sommes présents à ses côtés aujourd’hui, c’est pour t’en parler. Tommy m’a expliqué.
La jeune femme ne savait pas quoi répondre : les médecins semblaient formels sans l’avouer vraiment.
- Billy a passé quelques années sur une planète lointaine de la Terre, nommée Aquitar.
- Les habitants d’Aquitar disposent non seulement de prédispositions pour soigner des maladies incurables ou mortelles sur Terre, mais aussi de ressources naturelles que l’on qualifierait ici de miraculeuses, expliqua Billy.
- Ce que l’on veut te dire Kendrix, c’est que nous avons clairement une option viable pour sauver ton père, confirma Tommy.
- Ma chérie, ces deux garçons nous ont tout expliqué, et ton père accepte de partir vers cette planète. Il y restera plusieurs mois, enfin, le temps qu’il faudra pour garantir la guérison même partielle.
- Soyons sincères Kendrix, il faut à tout prix limiter les risques irréversibles pour ton père, annonça Billy d’un ton grave. Seule la planète Aquitar peut le sauver.
- En êtes-vous sûr ? demanda Kendrix.
Billy esquissa un nouveau sourire et témoigna :
- J’ai moi-même fait l’expérience d’une thérapie sur Aquitar. J’étais également promis à une mort certaine, rapide, inattendue. Les aquitariens m’ont sauvé. Je leur fais entièrement confiance, et ton père a choisi de leur faire confiance.
- Quand est-ce que mon père part pour Aquitar ?
- Deux aquitariens viennent le chercher dans très exactement six jours terrestres, répondit l’ancien Ranger bleu.
- Je ferai mon possible pour venir avant le départ, tout dépendra des missions, et de ce que nos ennemis nous réservent, assura Kendrix, qui sentait une forme de soulagement mêlée à de l’incertitude.
- Nous comprenons parfaitement, répondit Billy.
La mère de Kendrix se rapprocha de l’objectif :
- Ces jeunes hommes nous ont expliqué. Comme ça, tu es à ton tour une Power Ranger. C’est tout bonnement incroyable. Tu fais notre fierté. Maintenant, tu vas pouvoir vivre complètement épanouie.
Emue par cette déclaration, Kendrix n’était pas au bout de ses surprises : elle vit son père, se redresser légèrement et prononcer à faible volume, quelques mots précieux :
- Je suis... fier... de toi... ma fille chérie...
***
Le lendemain, Kendrix resta exclusivement allongée, profitant de l’absence d’appel d’Alpha ou de Leo pour une opération de secours ou de défense de Terraventure.
Feuilletant tantôt un roman, tantôt un grimoire renfermant des informations difficilement déchiffrables au premier coup d’œil mais cruciales sur la galaxie, Kendrix repensait régulièrement aux quelques mots emplis de bienveillance de son père.
Elle regarda le cadre trônant au-dessus de son lit, et eut une pensée pour ce vaillant Speedy. Il l’accompagnait en quelque sorte dans la colonie.
La journée suivante, elle se décida à profiter de la météo clémente, en se demandant innocemment, quel organisme de la colonie gérait les tribulations atmosphériques.
Parfois, Terraventure lui faisait penser au film The Truman Show. L’impression d’être épiée en moins, elle comparait la sensation d’enfermement dans un dôme, avec une artificialisation n’ayant comme limites que les frontières de cette bulle géante. Les Rangers pouvaient, et devaient franchir ces limites, atténuant la claustrophobie. Accès vers l’extérieur possible, le chemin inverse autorisait malheureusement les forces maléfiques à pénétrer dans Terraventure.
Souriante, elle avait convié Kai à partager sa bonne humeur et les dernières nouvelles. L’optimisme n’était pas complet, mais elle avait conscience que son père pourrait revenir métamorphosé de sa thérapie sur cette planète aquatique dont elle avait oublié le nom.
- Ce sont de superbes nouvelles ! s'exclama Kai, ravi.
- Je me dis, enfin, on peut entrevoir un rayon de soleil, mais telle notre dure lutte contre Trakeena, ne crions pas victoire trop vite, tempéra Kendrix.
- Bien sûr. Cependant, c’est classe de la part de ces anciens Rangers.
- Plus classe que cette espèce d’entrepôt, ironisa Kendrix, contemplant l’environnement industriel. Mais pourquoi je t’emmène dans ce coin alors qu’on a de si jolis parcs sur Terraventure ?
- Parce que c’est notre cheminement habituel, et je ne discute pas ton itinéraire. Je reste concentré sur tes paroles, j’écoute, et peu importe de marcher dans un square, une roseraie ou un entrepôt : ta compagnie me suffit.
- C’est mignon, rougit Kendrix, touchée par cette complicité.
Par réflexe empli d’amicalité et de platonisme, la main de Kai vint glisser ses doigts entre ceux de Kendrix quand un grand vacarme les fit sursauter.
Ils se retournèrent et virent deux combattants avec des combinaisons ressemblant à celles de Power Rangers, courir vers eux, avec des intentions au demeurant agressives.
- C’est qui ces deux-là ? interrogea Kendrix.
- Aucune idée, mais ils n’ont pas l’air d’être venus pour rigoler ! lança Kai, disposé à défendre sa peau et celle de son amie.
Les deux intrus, aux motifs respectifs rose et bleu, se présentèrent d’un ton autoritaire :
- Nous sommes votre pire cauchemar : les Psycho Rangers !
Le combat commença. Ils n’eurent pas le temps de se transformer, alors ils combattirent en civil.
Ils ignoraient cependant que trois autres Psycho Rangers avaient investi des points stratégiques de Terraventure.
Et cette invasion allait radicalement changer leur avenir, dont celui de la Ranger rose galactique.